Lettre à Imaginaire

Cher innommé,

Dis, es-tu sûr d’entendre ce que, depuis une éternité, je tente de dire ?
Es-tu convaincu de saisir le sens de mes mots, qu’inlassablement je t’envoie ?

J’ai osé lever un minuscule bout du manteau qui m’étouffe. J’attendais que tu cherches la découverte, petitement au moins, si l’idée de te glisser sous le tissu opaque n’ait pu t’effleurer…

C’est comme une porte entrouverte que je t’ai offerte, la vois-tu ?

Il semble que non, mon ami. Depuis quelques temps, l’entrebâillement ne se fait pas sur la part qui t’intéresse.

Un coin de mon esprit, de mes bonheurs, mes douleurs et de mes vies, que ferais-tu de cela ?

Est-ce ainsi que tu penses ?
Est-ce là le vide de nos écrits, seraient-ils imaginés nécessaires ?
Depuis tant d'années, je me trompe et me perds dans ces lettres parties et reçues !
J’ai relu la première de ta main, une réponse laconique, souviens-toi !
Ah, tu me diras que ma lettre n’appelait à rien d’autre alors ! Tu as raison, mais nous avons continué et l’échange est sorti du banal.
Je me suis nourrie de chacune des enveloppes déchirées, cueillant son contenu comme le fruit sous sa peau.
J’ai savouré tes mots, un à un, et t’ai donné les miens jamais en réponses.

Le bonheur était te lire, et t’écrire. Il l’est encore dans l’encre qui bleuit ce papier qui partira tout à l’heure.

Mon ami, mon cher Imaginaire, tu es devenu l’indispensable, le vital, la source inévitable !

Invisible visage, que m’as-tu envoyé la nuit dernière ?
Quelles sont ces phrases décousues, qu’as-tu fait de tes mots ? Ils sont acérés tels la faux de la Camarde…cassants comme le verre qui faisait vase aux lettres de nos échanges…

Je voudrais te dire…non, rien…j’espère davantage, seulement…et je cours envoyer ce papier par delà les nuages.
Demain, peut-être, demain je recevrai ta prose et plongerai dans ce bassin de jouvence, mon esprit et mon cœur, comme avant, dans le flot de l’imagination retrouvée.

Cette nuit peut-être, demain est si loin, je t’attends, mon ami, mon Imaginaire, mon guide.

© Marie Hurtrel
1er avril 2008