8 mars 2014

Allez, on s'en recolle une.
Une fête. Non, un jour.
Chacun le sien, le nôtre arrive, rituel, plombé de ritournelles...
Croit-on l'intérêt de la chose, et l'on plante une flamme sur l'emballage.

En fait, comment croire à une réalisation quand un jour se dit être, est-ce un tapage pour réveil, ou l'éveil en bagage ?

La journée des femmes. Pas la journée de "la femme", celle de la chose, du laisser dire et continuer à écraser, descendre, rabattre, quand les lèvres qu'on coud saignent d'un mot, d'un cri, et du sang de la défloraison. La femme, non. Elles et multiples, les poings serrés, les joues tendues, et le ventre qui prospère à prendre l'humanité par le hasard que le sexisme institua en loi divine. Pas de tout temps, puisque furent, dit-on, les femmes en socle, libres, égales, en certaines contrées, celtiques notamment, qu'elles furent mais qu'une terreur masculine vint mettre de l'ordre à tout ça, travaillant à assurer le gêne dont elles seules maîtrisent le nom. Dit-on...

Là où la puissance semble une question de panique...

Autre temps. Il faut faire avec le combat qu'on nous impose. Il serait si heureux et ascensionnel de délivrer la marche.

Quelle chance d'avoir à se battre pour être, quelle chance d'avoir le sang commun, la peau conquise, et la parole défunte. Diable. Non. Mais, quelle chance quand même, de se lever et définir la sororité, et d'ouvrir ses bras pour avouer tenir et tenir encore, la tête haute, les épaules chargée, et la main masculine à qui nous voulons offrir le voyage, celui du parcours en égalité, en justesse du chant de l'humanité.

Les 8 mars m'ennuient quand ils sonnent l'étiquette de passage, là où la mâle inquiétude encolle sa définition du lieu. Le lieu du temps, s'entend.

Les 8 mars rappellent et renomment, pourtant. Font-ils apprentissage. Font-ils semonces pour que la semence lève.

Les 8 mars prennent le mégaphone des jours autres qui s'enlisent, rampent, tentent, hissent, arrachent, gravissent, miette à pas, pied à main, mot à dire, pour repasser sous les somnolences les échos de la route et ses pierres.

Je ne sais pas s'ils m'ennuient, peut-être qu'ils ancrent plutôt un doute sur l'épuisement.

Il faudrait écrire encore la boiterie humaine, la tête jugée qui éclate sous le pavé, le ventre juvénile qu'on laboure, la féminité qu'on ampute, l'intelligence qu'on méprise, la compétence qu'on écarte et ses cuisses pour faire rire, les seins qui interdisent le choix, le sang qui se pèse et se vend, le silence qui remet au bourreau sa raison, la parole qu'on écorche, la maternité qu'on viole, la chair qu'on brûle, la liberté qu'on défonce.

Les 8 mars font marée d'équinoxe, et je leur rends mes marges confuses, avec les gribouillis bleus, les ratures sur la peau, les réserves sur la toile, les cassures d'anches, la mort dépassée, les coups et les crayons, et de mes reins la charge.

Que le message ne soit pas tordu, qu'on ne range pas là-bas l'annonce sous un coupon de tissu qui danse, qu'on ne réduise pas la marche à une rose au coin de la rue - pourtant si jolie dans un souvenir petersbourgeois -, car il n'est de fleur que celle qui vit, s'ouvre, s'offre à la pluie, au jour, à la caresse. Qu'on n'invente pas une intelligence à part, à remettre au porte-manteau avant de remonter ses manches, et ses jupes au nom du sexe qui sépare.

Allez, il vient, encore, un jour du symbole et du point sur le parcours, un jour qui va dire où nous en sommes, et toutes celles qui espèrent et celles qui n'osent pas espérer, là-bas, ici.

Marie Hurtrel