Présence corpus

Quand il n'y a pas le choix de la vie -mais, le non-choix a-t-il une réalité quand on choisit d'obéir au non-choix.-, et quand on vit l’amour face aux dits non-choix, on a envie de dire, sans réclamation, juste le fond des réflexions et la réalité du breuvage des doutes et des constats.
Pas le choix à vivre, c'est le choc de l'essentiel de la vie, l'Amour majuscule versus la matérialité.
L'humain détruit au nom de la raison pour vivre.
Incohérence.

Alors, par besoin et envie, génération de l'amour, il est à dire quand le lit est vide, froid et insomniaque, que la table est carencée, l'écho désert, et que la maison résonne comme un hangar abandonné.
L’humain un est temple, et sa maison.
Écrire quand l'agape a perdu le pain et ses assiettes, que la rue chante un silence troublant sous les milliers de pas étrangers, que ce qui résonne sous le brouhaha est le vide à chaque porte et la lumière javellisée des morgues aux fenêtres gesticulantes des télévisuelles compensations.

Et le corps, son propre corpus, en ébullition, qui ne sait plus raisonner et ne sait pas s'éteindre puisque c'est la vie même qui l'a baptisé. Le corpus trivial qui attend sur un bûcher construit de toutes pièces par le verbe aimer... qui allumera le sacrifice, quand la transcendance n'a de sens qu'ultime... et se prend-il à dire : "heureux ceux qui n'aiment pas". Corps sans corpus. Dans la carence qui effondre. Oui -mais, sans particulariser le domaine charnel et sexuel (précision pour éviter les concentrations limitatives hors sujet)-, nous sommes là dans l'état de présence, le "être" en-soi par l'expression de la présence. Donnée, reçue. Et le qui va là quand il s'absente ?
       Et de dire (le corpus), ils sont chanceux ceux qui n'aiment personne, ceux qui n'ont pas besoin d'un autre du simple fait de l'existence de cet autre-là, précis, aimé par ce choix du non-choix et la sortie de l'agape au réfectoire des fantômes.

Le non-choix qui ne remet rien en cause, seulement à poser ses conséquences et voir comment éviter qu'elles soient délétères. Elles le sont, mais la question est "peut-on freiner le délitement qui vaut, là, peau de chagrin...".
Est-ce que l'humain peut oublier son frère ? Et de l'oubli naît-il le retour du rêve prodigue ? Y a-t-il à se repentir comme on repense une illégitime humanité ?
       Où va le fils quand il revient, qu'est-ce qui vide la table quand elle se remplit tant.

Combien de temps un être humain peut-il tenir à la diète de vie, à la diète d'amour ? Comment savoir, on constate seulement que la carence étiole et nuit beaucoup plus qu'on croit. De l'attente naît la méditation, de la méditation naît l'abandon qui transcende mais... l'attente extatique doit-elle prendre source dans la réplétion du coeur, les âmes qui s'envolent affamées sont des morts sahéliennes.

Certains supportent et d'autres pas mais, pour espérer religieusement et monter sur l’extase comme la réalisation de vie, est-ce que la carence fait office de comble.
Certains ont besoin d'un minimum de contacts, de communication, et d'autres pas. Le parcours du non-besoin ne s’inscrivant pas, là, dans la réalisation (du constat) de la vie et de son essentiel, il en est coupure et réclusion.
       L’alliance du non besoin et du besoin met le premier en état de cachexie et le second dans la cécité repoussant un réveil qui se révélera trop tardif. La vie ne commence pas aux portes des cimetières. Et de compter l’ascension humaine au nombre des descentes mortuaires aurifères.
Que faire ? Rien : l'un meurt et l'autre se trompe. Travaillons-nous tous à mourir avant la mort…

C'est la vie, et les humains avec leur essence et ce qui les a façonnés.
Chaque histoire construit, ou déconstruit, et met les pierres comme le terrain l'impose.

Peut-on bâtir sur la rencontre de la lise et de l'erg ?
Même les rochers coulent.
Même la lise est sèche.
Là où l'Amour n'est pas eau au parcours capillaire, c'est la sérénité lunaire qui s'installe : sans fertilité, sans couleurs, sans écho.
Un flottement atone.
Le néantisme de la chose.
Il n’y a rien de plus tari qu’un objet.
C’est l’humain nu qui avance, et le converti qui coud la bure à sa solitude.

© Marie Hurtrel