Tous saints

Y sommes-nous ?

Depuis le temps qu'un "on" -trop bavard au goût de l'individualisme morbide cultivé par les marchands de néant (ou à celui des marchands eux-mêmes... de la poule et de l'oeuf... n'est-ce pas- ressasse qu'à force de monter il faut choir, qu'il faudrait bien avoir peur pour assagir ce désordre que l'humain vautré dans son confort ose appeler ordre, dénigrant par un autre ailleurs l'ordre dit sain des choses, et, d'un rot manipulatoire nommant "anarchie" tout ce qui sort des concepts consuméristes et soumis dans ses bouffées du délire d'avoir.

A y est ?

Aurions-nous atteint l'apogée du carnage et le paroxysme de l'aveuglement ? Au point de nous réveiller morts sur une planète sans alter-âme qui vive ?

Le feu nucléaire peut-il laisser ainsi les rues désertes, sans entamer d'une poussière les vestiges des humaines consécrations à l'objet et la matière ? Pas une rayure sur une pierre, pas une avancée de rouille sur une tôle, pas un éclat sur un carbone, pas une pastille bleue sur un fruit sous vitrine... rien, tout est net, gris, habituel, calme, aussi sourd que le fond d'un bocal dans une remise oubliée. Mais, alors ? Qu'auraient fui le mouvement citadin et sa jumelle pseudo rurale ?

Aurions-nous, d'un doigt décharné, touché l'aphélie conscience de n'être plus qu'un vague écho de la dernière vague de nos certitudes prétentieuses ? Jugeant qu'après notre suicide restera encore assez à détruire pour nous faire croire à nos constructions, puisque la vie s'est faite, depuis long temps consommatoire, accessoire, et le sang subalterne au rayon de nos in-consciences mortifères... Touchons-nous, là, entre la grisaille céleste et la fraîcheur de novembre, d'un silence atomique ce que nous avons généreusement semé ? Nos rejets de conscience ont-ils permis d'atteindre ce que nos négligences refusaient de voir ? La mort est-elle donc au rendez-vous, après moult fausses alertes de ses relents putrides ? Et dans l'heure, le jour, le temps, figés comme sous la bulle papale transmise d'un nonce entre nos cauchemars installé, à nos surdités cryptales, le rien prenant la dimension du tout, s'écrit-il, enfin, sur la page que ce qui reste à nos errements affamés est d'écouter la non-vie prendre son tour comme à confesse ?

Pas encore, il n'est qu'un rêve, à l'évidence, et le sujet à développer où nos insistances nous mènent. C'est seulement à ma plume mécréante, que, l'encre paganiste faisant, le songe dit : voilà bien ce qu'est être dans l'agissement cohérent à la parole fille du penser ; peut-être, d'ailleurs, faudrait-il envisager le baptême du nom de leur co-errance -à l'acte et au penser-.

La ville et sa campagne ne sont point mortes, réalisation faite en mon cerveau décroché, le constat laïc se fait qu'en république démo(n)cratique l'on doit vouer aux saints un culte que le dogme monocratique réfuterait pourtant... Le polythéisme catholique a encore de beaux jours en consumérisme.

Et j'en reste sur mes païennes rives, à célébrer la terre et ses puissances telluriques, à compter avec l'univers et ses connexions réelles, sans jour de pause spirituelle ; laissant le hasard claquer les portes qu'il veut et, dépit faisant, nourrir le rire et l'écrire.

Il n'est de sain que ce qui ne sanctifie pas le veau dix-mille fois redoré des incohérences humaines. Au nom du commerce, de la laïcité, de la chaîne admise, des chaînes visuelles, du devoir digestif, des réservoirs naphtés, des sons de cloches et des cloches elles-mêmes, soyez ce que votre volonté déclare, et restez morts puisque c'est modal et posé sur vos nappes toussaintes.

Demain, les morts se rappelleront aux accoudoirs de vos licences ; le meilleur lieu commun dit que la vie est trop courte. Est-ce pour cela que le chrême de vos onctions extrêmes doive s'usiner à la chaîne commerciale des attentes, s'industrialiser à celle de la captation télévisuelle, et se commercialiser d'une trahison aux ancêtres rhabillés d'un chrysanthème et d'un rôt saignant arrosé de néo-coutumes plastifiées ?

© Marie Hurtrel