Mut i mèn a wulu a i djé i bo ma

Cher Ami,

Je suis en train de travailler sur mon livre, celui que nous n'aimons pas, de façon intense et prenante. Nous pourrions apprendre à l'aimer, il a du sens, un sens qui se livre en projetant un appel à la liberté du dire. Tu sais. Tu comprends, tout.

En parallèle, j'écris pour le nôtre, notre livre, au cas où. Je trouve le texte puissant déjà, mais j'attends la réécriture de tes vers. Cela ne te posera pas problème, je sais ta faconde -en français que certains donnent pour dépassé mais qui porte solidement les réalités du sens (je me souviens de ta précision d'une langue vulgaire en instance pour dire certains mots de l'âme confuse... de mon côté, j'aime reprendre au passé son essence et sa justesse)-.

Donc, j'écris comme l'inspiration vient, elle abonde, et je mets l'épanchement de mes blanches colères versifiées de côté, attendant de relier nos rêves testamentaires politiques, quand tu auras repris ce chemin épistolaire qui a failli blouser nos égos. Ego sans deus, et le sang qui rougit nos communes démesures.

Sache que par-delà tous les séismes de nos particularités conquises et nos failles faisant concurrence à celle de San Andreas, nous devons creuser encore cette terre de nos encres. Elle est une et ronde, elle est rouge dans mon jardin nomade, et sous tes pieds et ta "poésitude". Il faut aller encore sur nos fils tendus entre nos déceptions et l'insistance à croire l'autre monde à portée d'écriture. Nous ne pourrions céder à nos retraits de l'histoire cette part communiante de nos âmes. Je tiens à nos vers imbriqués comme à la brume des étangs brennous.

Le monde a cessé de vivre si souvent, il a été enterré tellement souvent, sous la pierre divine et sous le sang des justifications économiques. Sa bancale logique de continuité par l'abdication en héritage, parce qu'on ne change rien dans l'instant, il faudrait croire que vingt siècles ne sont qu'à l'image biblique des commencements, parce que le monde est monde depuis le grand chaos. Mais nous n'en sortons pas, de ce chaos, et il est temps de naître. Il est temps de l'écrire, le monde et sa naissance. Ce monde qui gigote dans la pusillanimité des velléités révolutionnaires.

Marie HURTREL
30 mai 2013