Toi, tais-toi ! Censuré !

Je viens d'être informée que mon livre Toi, tais-toi ! (sous son premier titre Anne eX) est choquant, qu'il aborde des sujets tabous en certains lieux et dans une contrée qui pourtant m'est plus que chère.
Tabous tellement puissants que ce livre ne peut vivre là-bas autrement qu'en sourdine, en discret passage, parce qu'il risque de heurter un lectorat peu habitué à des textes aussi osés, dois-je saisir en formules polies et délicates.

La seule chose choquante est que la violence intime et la pédophilie soient des sujets inabordables en face à face. Parce que l'humain vaut que l'on se batte pour ses enfants et contre toute forme de violence et notamment envers les femmes et les enfants et partout dans le monde.

Toi, tais-toi ! est un encart en enfer, ce n'est pas un voyage de silence, le livre ne pourrait l'être.

La préface de la psychiatre et psychotraumatologue Docteur Muriel Salmona ouvre ces pages au nom de celles qui ne devraient plus jamais se taire.

Cette censure n'est pas grave pour le livre mais, cela rappelle qu'il y a des pays ou des milieux où la violence ne peut être écrite librement et sans un masque de prudence. C'est dommage de refuser d'appeler les choses par leur nom et d'avoir peur des mots posés sur la réalité.

Mon livre en reçoit d'autant plus sa raison d'être, ce refus de sélection à la deuxième édition du Grand Prix des Associations Littéraires* donne à Toi, tais-toi ! sa valeur, celle d'une parole libérée de la censure que toute victime déjà s'impose la plupart du temps et partout dans le monde.

Si un jour un de mes livres correspond à leurs critères, peut-être le proposerais-je mais, comme il va de soi que je n'applique et n'appliquerai aucune censure, il est fort peu probable qu'un de mes textes à venir s'intègre au format admissible par le lectorat visé, parce que la violence intime est l'un de mes combats les plus fermes et définitifs, parce que l'injustice me porte à la révolte et que ma plume est celle de toutes les personnes qui ne peuvent écrire leur enfer. Parce qu'il est injuste que ceux qui sont détruits doivent encore subir la violence qu'est le silence.

J'espère que ce pays que j'aime et me lie (et me lit pourtant déjà, et même Toi, tais-toi !) saura s'ouvrir plus largement vers d'autres dimensions littéraires.
Cependant, il y a un lectorat qui me suit au pays et a lu ce livre et les autres, aucun n'a été troublé autrement que par le message que porte Toi, tais-toi ! et l'écho d'une nécessité du dire.

Marie Hurtrel
1er décembre 2014
*Prix dit "international" et se déroulant au Cameroun