Ma soeur algérienne

Ma soeur algérienne,

Si tu savais -mais tu sais- comme dans ce monde on boîte avec des cailloux que souvent l'on met soi-même dans ses godasses. Est-ce l'humain qui est ainsi dans sa structure, ou est-ce une maladie opportune s'infiltrant par nos semelles béantes... va savoir, et j'aurais bien dit "peu importe" mais, il importe je crois de chercher à comprendre pourquoi certains fruits du même arbre pourrissent sous la pluie avant de mûrir, alors que d'autres nourris de la même eau ensoleillent nos gorges gourmandes.

Le pourquoi du comment n'est pas vaine intellectualisation d'une nature par nos cerveaux désoeuvrés, c'est que si l'on ne change pas l'eau croupissant dans l'arrosoir, il y a des risques que l'on intoxique les racines, et, au moindre mal, qu'on masque leur puissance vitale par un relent nauséabond que certains prendront pour un parfum de fleur, oubliant la sève et la racine en se consacrant à glorifier ces émanations douteuses, leur nez perverti de négligence et de paresse du coeur.

Si je croyais en un dieu, je lui demanderais d'abolir l'idée même de hiérarchie, et celle même de quantification, où qu'elles s'ancrent. Parce que dans tous les corps humains du monde flotte une dose de sang équivalente capable de se répandre avec une infinie et monstrueuse facilité. Parce que nous sommes humains et que c'est dans les yeux de nos enfants et de tous ceux que l'on aime qu'on pleure d'effroi face à l'horreur étrangère. Parce qu'ils sont la vie palpable près de nous. Parce qu'on veut les savoir vivants de la vie qui vit dans toute l'humanité.
Le poète l'évoquait ainsi dans son chant d'amour :
".../...La faim, la fatigue et le froid
Toutes les misères du monde
C'est par mon amour que j'y crois
En elle je porte ma croix
Et de leurs nuits ma nuit se fonde.../..."

Il est très difficile de comprendre la compétition dans le malheur, ces comparaisons et surenchères du "oui mais moi" des frustrations pré-primaire. Il est pourtant aussi facile de constater qu'une partie du monde passe inaperçue et que cela fait peur. Il en va là de la transparence utilitaire posée comme un voile sur ce qui dérange nos avidités maladives et qui fait réagir les mots au-delà de ce que nos sensibilités peuvent entendre.

Le monde est fou et ses habitants croyant que la maturité se compte en possessions et en morts. Que l'oubli peut faire de mal ! De cet oubli parcellaire engraissant les haines pour en faire des animaux de traits attelées à l'ignorance...
On ne laboure rien avec l'injustice et la mort.
On ne laboure pas davantage à accuser l'amour d'être l'amour.
On ne laboure pas mieux en repeignant la charrue.
Quant à semer...

Je t'aime pour ta sensibilité mienne, pour la justesse de ton chant, pour la force de ta voix.

J'avais juste envie de t'écrire, Amina Mekahli, parce qu'en te lisant j'ai souvent envie de te serrer dans mes bras mais tu es où je ne suis pas.

Marie Hurtrel