Pour énoncer la liberté

Ecrire d'abord un texte de loi
l'articler bien épais
tout en mettant l'instance au rebut
l'agiter vite et simplement
du simple qui raccourcit
semblant le beau à l'acte
l'utile à la section
pour la liberté

Accrocher ensuite l'intitulé sur un néon
en haut d'un mur
au-dessus d'une porte
ou en arche sur une route
puis se jucher sur le néon
et l'aider à clignoter
d'un mot
d'une cible
d'un émoi

Parfois la liberté semble marcher dans la combine
mais elle peut aussi décider de fuir où on l'attend
avant de revenir tremblante
ou vive et solide choisissant de narguer
laisser
la laisser tourner autour du livre et cligner du jupon
la danse et contre-danse de la liberté
ne définissent rien
de l'accoutrement qu'elle peut endosser

Quand la liberté épelle son nom
si elle le connaît
l'écouter attentivement
la laisser chanter
et flirter avec les sections
du texte
et en paraître l'harmonie

Quand l'écho paraît juste
accélérer discrètement le néon
en appuyant sur la loi
sans lâcher les commandes

Faire alors levier sur la raison
et lier serrée chaque lettre du nom de la liberté
si on le connaît
à chaque article et ses sections
puis
cacher d'un voile de silence pudique
l'intérêt dont la chair enfle facilement
et laisserait trop voir ses bourrelets
à la liberté

Ecrire aussi un discours bien senti
le faire résonner entre une canicule et la rentrée
pour dissiper les couleurs du commerce
avec le diable
s'il existe
et ne s'est pas trop maquillé

Si ainsi liée incorporée
la liberté ne se ressemble plus
qu'elle est difforme en son nom
c'est que le texte l'est aussi
la loi est affreuse
mais si la liberté prend la voix de l'ange
si sa danse est celle du vent
et son poids celui des fruits gorgés de soleil
les chapitres sont bons
et bien écrits

Alors vous trempez un index
dans la salive de la liberté
et effacez le texte de l'intérêt de l'avoir écrit.

Taillis brûlant - peinture 80 x 40 cm

© Marie HURTREL