La poussière de fusain

Avant, dans un temps autre à la pendule cassée, j'avais un ami qui me faisait chaud et doux le jour et le sommeil.

Il avait les bras souples, et la parole souvent acerbe en démontant le monde et ses incohérences.
J'aimais l'entendre, et le piquer au vif de ses relances brouillonnes contre l'injuste et les fantômes d'une terre.
Il savait marcher sur le fil de son dépit en déployant un rire de miel et le vin de ses déceptions.

L'ami que j'avais était la pierre de son propre exil qu'il entretenait comme une logique nostalgique.

Il me parlait, même si les mots pouvaient tourner vite aux portes qui claquent.

C'était avant, quand il levait encore les yeux de ses tables : ô funestes planches à tracer l'à venir à la poussière de fusain.

Mais c'est aujourd'hui, et plus rien ne sale son écho.
Aucune mer ne porte plus ses voyages.
Aucune pluie ne révèle plus sa montagne.

C'est aujourd'hui, et je ne reconnais plus sa voix, ses appels au néant, sa faim ni ses incartades.
Il ne parle plus, à peine l'entendrait-on souffler sur ses soirs lourds, quand l’automne lui rappelle les étoiles de sa naissance.

Il ne parle plus.
Où prend-il maintenant sa route ?

Marie HURTREL
20 novembre 2012