Ils ont cru

Ils pensaient qu'ils entraîneraient le monde avec eux, qui les glorifierait, les remercierait, les encenserait, les ancrerait dans la certitude de l'aboutissement de longues décennies de préparations, d'analyses, d'études de perspectives, de tentatives, de brouillons.

De sauts de puces en arrachages de pages, de saltos en décollement des rétines, avec leurs affinements, leur maîtrise, leur opportunisme, leur conscience que le troupeau est beaucoup plus sot que l'individu, ils ont cru que le monde suivrait comme on se fie au guide et au divin.

Procédant par glissements, transferts, déplacements, et par extractions de mots et leur casse, exclusions de sens, déportation du penser autonome, ils imaginaient l'avenir dans la lice sacrée de leur croyance en leur supériorité.

Ils ont voulu faire croire qu'on ne peut vivre sans eux, sans leur domination et leur pouvoir infus, sans leur science, leur conscience en déniant celle humaine native.

Ils ont décernés le bon et le bien à leurs délires, fabriqué leurs propres médailles et les ont accrochées eux-mêmes à leurs plastrons.

Ils ont balayé leur poussière sous nos tapis qu'ils ont rendus trop lourds à soulever en les chargeant d'épaves et de futilités, d'engourdissements et de plombs, de rideaux de théâtre et de masques.

Ils savaient qu'ils y auraient des secousses, des tremblements, des cris mais, ils se voyaient dans un véhicule puissant traversant la foule en éjectant les mauvaises herbes vers les fossés qu'il leur serait aisé de combler et sceller afin de paralyser toute résurgence.

Ils ont secrètement béni Bernays, ont soutiré de son travail ce qu'il n'avait pas même conçu.

Ils ont évalué leur majorité dans l'inversement des nombres.

Ils ont cru.

Marie HURTREL
28/10/2022