Au bout du silence, Haïti

C’est le décompte d’une minute épuisée
puisée à la désolation

Sans fond
sans fin
à la mort

Par la peur qui monte
en lame de sang
sur ton visage émacié
où s’écrivent les jours
détruits

Ton pas est lent
si lent
marche
enchaînée aux nuits
collée aux joues de  tes enfants

Du fond des puits des inconsciences
oublié bout de terre

Maudite
fleur

D’anciennes fleurs

Un pleur tarit sur ta peau aspirée
par tes os
tu lacères le ciel de l’attente habillée des linceuls
et ta prière éclate sur les galettes grises

C’est l’argile à tes yeux qui coule encore
dans tes paumes brunes figées d’ocre

A ta saison des larmes de pierres
tombent
et chute la vie jusqu’aux enfers
indus
le ciel est le toit de ton monde

Une tombe

Et ton lit
gronde et tue

le sol de ta misère
oubliée chair
des dieux autant
dans une minute d’éternité
soufflant sa poussière dans ta gorge déjà sèche

Tout vibre monte roule tremble
ton ventre ronfle
il se retourne

Elle coure
pleure
demande
attends
à genoux sur un fil
ta vie qui s’affole et meurt

Tes regards se creusent
Sous la terre

Terre de silence

C’est le néant qui sonne à l’horloge muette

Silence des regards

Silence de vie

Silence de terre

Silence

Comme un sacre de tes morts
la prière tombale de l’univers
sur l’instant décharné qui s’éternise
la matrice en lambeaux
ferrailles
tôles
chape funeste

C’est ton cimetière
à corps perdus
à corps ouverts

© Marie Hurtrel, janvier 2010