Des mots des autres

  • La parole poétique



    Université de tous les savoirs. Les hauts et les bas de la culture. Conférences. La parole poétique.



  • Qu'en est-il de la patience pour ceux qu'elle tue ?

    “Je veux, si je suis élu Président de la République, que d'ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid. Parce que le droit à l'hébergement, je vais vous le dire, c'est une obligation humaine. Mes chers amis, comprenez-le bien; si on n'est plus choqués quand quelqu'un n'a pas de toit lorsqu'il fait froid et qu'il est obligé de dormir dehors, c'est tout l'équilibre de la société où vous voulez que vos enfants vivent en paix qui s'en trouvera remis en cause.”

    Nicolas Sarkozy, 18 décembre 2006

    30 novembre 2010: 1 mort officiel devant la porte d'un centre commercial d'Ivry


    133 000 sans domicile en France et 2,9 millions de mal logés


  • La muse malade

    Ma pauvre muse, hélas ! qu'as-tu donc ce matin ?
    Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes,
    Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint
    La folie et l'horreur, froides et taciturnes.
           
    Le succube verdâtre et le rose lutin
    T'ont-ils versé la peur et l'amour de leurs urnes ?
    Le cauchemar, d'un poing despotique et mutin,
    T'a-t-il noyée au fond d'un fabuleux Minturnes ?
          
    Je voudrais qu'exhalant l'odeur de la santé
    Ton sein de pensers forts fût toujours fréquenté,
    Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques.
         
    Comme les sons nombreux des syllabes antiques,
    Où règnent tour à tour le père des chansons,
    Phœbus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.  

    Charles Baudelaire

    La muse malade
    peinture à l'huile au couteau
    Marie Hurtrel

  • Didascalies d’un séisme de Fernando D'Almeida

    Ici, sur Calaméo, un extrait des "Didascalies d'un séisme" du poète Fernando d'Almeida.

    C'est une petite avancée dans un poème à tirer les larmes et la conscience par tous les pores de ses structures motifiées, entre les mots venus de leur au-delà, inspirés, parce que "la mort truque et traque la vie" (p.36) et se taisent les corps exsangues écartelés sur le silence de l'île dans ses pleurs. C'est un livre à dire, un poème précieux et plus encore, parce qu'Haïti qui tremble, c'est l'île au ciel effondré et sous les mots inconsidérés, alors que le poète relève ce que le souffle terrestre médit, pour offrir des crépuscules qui célèbrent les morts sous la vie s'imposant sur les décompositions humaines.

    Aux éditions OPOTO

  • Que veux-tu que je te dise, de Paul Nwesla

    Que veux-tu que je te dise
    © Paul Nwesla Biyong

     
    Que veux-tu que je te dise
    Que l’an deux mil neuf s’en est allé
    Avec ses gémissements horribles
    Ses fleuves en crue sillonnant les flancs échevelés des terres mouillées
    Ses explosions de gaietés cadavériques
    Milles morceaux choisis émiettés
    Lendemains amputés sur les terrains démilitarisés
    L’océan respirant à vagues déployées
    Exhalant affaissements
    Inondations
    Sinistres
    Rasages
    Ravages


    Que veux-tu que je te dise
    Que l’an deux mil neuf s’en est allé
    Avec
    Au bas mot l’avènement obamal
    Une mort du racisme dit-on
    La mort de Bongo
    Les morts de Madoff
    Les chèques de coupe en algue
    Ces rues qu’on reboise
    Les forêts contrariées
    L’entêtement d’un ahmadinejad
    Les défis des poulets pakistanais
    Le râle du pas peuple
    Trop de vaccins pour l’Agrippa surestimée
    Les grands bonds du Japon
    Chinent de sa réussite
    Bolly-Hollywoodisme
    Un messie ballon d’or
    Les promus à la coupe du monde de football


    Que veux-tu que je te dise
    Que la guerre est finie
    La paix revenue
    Moudjahiddines et talibans
    Ben L’Amen et ses anges
    Chantres passionnés entonnant Tartare
    Armaguedon  étonnant la Statue de la Liberté
    L’Afrique émettant des sons audibles
    Pour ses peuples affamés de vivres
    Luxueuses cylindrées
    Comptes en Suisse
    Et du sang débordant des ethnocides
    La putrescence du droit de vivre des villageois
    Darfour
    Sur le front le sceau de la fin
    Je ne fais que parler
    De cela tu as raison
    Mon pouvoir impotent
    Et cela amuse
    Les autres qui font
    L’enfer


    Que veux-tu que je te dise
    Que j’ai connu de bons poètes
    Des amis
    Des frères
    Oui
    Un second fils
    Des promesses
    Une belle santé
    Révolution de ma plume
    Des cœurs qu’écorche l’immonde dehors
    Assemblent toutes leurs ondes
    Positives
    Chaque jour renouvelle la pensée
    Affronte fermement la flemme
    La froidure incisive des causes perdues
    Berlue si je dis
    Je ne suis plus seul
    Je ne suis plus seul
    Une larme d’amour perle richement sur cette face
    Prémonition d’outre-monde d’autres liens
    Qui délivrent
    Délient la langue de la liberté
    Liberté
    Mes ailes
    Même virtuelle
    Qu’est-ce qu’elle sent bon


    Que veux-tu que je te dise
    Que l’avenir est vert
    Espoir autorisé
    Ses plaies cautérisées
    De toute façon les attentats sont trop souvent manqués
    Les suspects appréhendés
    L’amorce des sentiers de paix
    Est-ce vraiment ce que tu m’entends dire
    L’entente
    L’harmonie
    Ce calme inespéré
    Couleront à flots sept années
    Aucune hérésie dans les temples
    Eglises et mosquées
    Les prophéties émises
    Apprises et comprises pour l’intérêt des désintéressés
    Derrière les dirigeants aucune éminence grise
    Je m’égare
    Ce n’est ni régulier ni poétique
    Juste des vœux criés à vau
    L’eau
    Bonne année
    Le dire à la fin mais non au début
    Pourtant la fin est  le début


    De ma nuit au matin
    J’ai veillé
    J’ai vieilli
    Sous le poids de ton absence
    Une lueur sur mon visage
    Quand le jour est venu
    Sans le soleil
    Cette autre fois
    J’écoute la rue
    Le ruisseau
    L’herbe qui mouille sa tige
    Les animaux venus irriguer des gosiers arides
    Seul des cris
    De joie
    Beaucoup de joie
    De peine
    Encore plus de peine
    Comme une nuit inachevée sondant ma patience
    Mon mérité à connaître les joufflus jours heureux
    Loin d’ici
    Bas
    Aveugle
    Sourd
    Muet.

  • Chanson pour Marennes et Oléron

    Avant hier, avec mes lutins, au café Liberté, j'ai ouvert le livre de Anne Cillon Perri, Chanson pour Marennes et Oléron, juste reçu, et j'ai lu, et je me suis promenée sur les images au bord des mots comme un bord de mer, les pieds nus en prose dans les vaguelettes, vagues de mer et de remous intérieurs poétiques, entre Oléron et Afrique, à la douceur se mêle toujours un silencieux cri.

    Mon petit lutin, Cergueï, s'est joint à ma lecture, il n'a pas tout saisi du sens je crois, mais la musique des mots lui a plu, et "encore la chanson de Pierre" disait-il, et encore nous avons lu.

    Anne Cillon Perri, le site

  • Idylle

    Идиллия

    Владимир Маяковский

    Революция окончилась. Житье чини.
    Ручейковою журчи водицей.
    И пошел советский мещанин
    Успокаиваться и обзаводиться.

    Белые обои кари —
    В крапе мух и в пленке пыли,
    А на копоти и гари
    Гаррей Пилей прикрепили.

    Спелой дыней лампа свисла,
    Светом ласковым упав.
    Пахнет липким, пахнет кислым
    От пеленок и супов.

    Тесно править варку, стирку,
    Третее дите родив.
    Вот ужо сулил квартирку
    В центре кооператив.

    С папой «Ниву» смотрят детки,
    В «Красной ниве» — нету терний.
    «Это, дети, — Клара Цеткин,
    Тетя эта в Коминтерне».

    Впились глазки, снимки выев,
    Смотрят — с час журналом вея.
    Спрашивает папу Фия:
    «Клара Цеткин — это фея?»

    Братец Павлик фыркнул:
    «Фи, как немарксична эта Фийка!
    Политрук сказал же ей —
    Аннулировали фей».

    Самовар кипит со свистом,
    Граммофон визжит романс,
    Два знакомых коммуниста
    Подошли на преферанс.

    «Пизырь коки... черви... масти...»
    Ритуал свершен сполна...
    Смотрят с полочки на счастье
    Три фарфоровых слона.

    Обеспечен сном и кормом,
    Вьет очаг семейный дым...
    И доволен сам домкомом,
    И домком доволен им.

    Революция не кончилась. Домашнее мычанье
    Покрывает приближающейся битвы гул...
    В трубы в самоварные господа мещане
    Встречу выдувают прущему врагу.

  • Fernando d'Alméida : L'évangile du coït

    Je pose à l'instant le livre, L'évangile du coït de Fernando d'Alméida, et j'ai à dire :

    Poésie de la vie, de la terre, poésie naturelle...juste parce que le beau ne se cache pas seulement dans la décence d'un visage et d'une forme approuvée académique, car la beauté se situe où les mots pour la décrire l'atteignent et qu'il est possible d'encenser en de multiples strophes les merveilles du corps, dans une danse sémantique sensuelle.

    Quand le ventre qui donne la vie est l'univers et toutes ses dimensions, de l'amour à la mort, quand la femme est vue par l'immensité de la vie, qu'elle est planète mère, entrailles du monde et des rêves, quand les saisons sont matrice et ses promesses, et que le sexe des femmes initie à l'onirocritie, lorsque la jouissance semble une conversation avec les dieux, c'est un poème et il est écrit par Fernando D'Alméida.

    J'ai aimé lire ce poème où les mots coulent à flots sur la féminité et l'union charnelle et où je lis comme une idée de l'infini, l'univers sans genèse ni apocalypse, dans l'explosion des sens. 

    Ce poème provoque, tout autant il incite à découvrir les autres versants de la plume du poète.

    Dans ce livre que j'ai d'abord ouvert avec méfiance, j'ai découvert un jeu poussé avec des termes qu'on ne lit pas souvent en poésie, comme si le poète se prenait à jongler avec des "mots anatomiques" au cœur des vers.

    Le poème provoque, Fernando d'Alméida provoque, c'est clair, le livre est plus que surprenant mais je ne le lis pas comme un texte irrévérencieux ainsi qu'écrit, sans certitude appuyée toutefois, dans la description sur le site Opoto.

    Je ne m'arrêterai pas à la seule poérotique de Fernando d'Alméida, ce serait réducteur, la richesse de sa plume promet bien davantage et je ne passerai pas à côté. Je gage n'être pas déçue, et je reviendrai dire si cela est ou n'est pas.

    Cet évangile du coït peut choquer sans doute, mais seulement parce qu'il livre une poésie, poérotique, brute dans le choix des mots. Ce n'est que cela qui peut déstabiliser à la lecture première.
    Pas simple d’écrire un poème avec des termes si peu poétiques dans l’idée qu’on peut s’en faire…habituellement…mais les habitudes ne sont que limites, et en art, la poésie est art, c’est la liberté qui est essence, à mon sens.

    Une visite sur le site Opoto s'impose

    Pour commander en ligne

  • Anne Cillon Perri : Traversée

    Traversée, anthologie poétique de Anne Cillon Perri J'ai entre les mains et sous les yeux le livre "traversée" de Anne Cillon Perri, recueil que j'attendais avec impatience parmi d'autres lectures poétiques.
    Je vous incite à découvrir ou redécouvrir ses mots dans cette anthologie poétique qu'il propose aux éditions Opoto.

    Que dire...tant à dire...Je savoure, encore et toujours sa poésie riche en rythme, profondément sensible, forte comme une épice et belle comme la terre.
    Je pourrais, je crois, passer des heures à poétiser l'intérêt de le lire...


    Les poèmes d'Anne Cillon Perri sont pour moi comme des fruits, je croque et je m'étonne parfois de la saveur, un, puis deux, je retourne dans les pages en gourmande lecture, la main dans le compotier des mots à la recherche d'un autre plaisir poétique.
    Un pleur parfois creuse le sourire et bénit le poème, le fruit acide, le fruit amer, parce que  "...la souffrance enfante les songes, comme une ruche ses abeilles... écrivait Aragon" : l'homme crie : sans doute.


    C'est l'âme nourrie et interrogative que je quitte la "traversée", un regard accroché à la couverture et l'irrésistible envie de poursuivre la lecture...ce que je fais immanquablement.

    Le site de Anne Cillon Perri, Pic'Art de l'Assoumière

     

    Une petite visite sur le site Opoto rappelle comment vous procurer ce livre, entre autres merveilles.

    Pour commander en ligne

    Opoto

    Je vous laisse, un poème m'attend...

  • L'Oracle et l'Impie

     Vouloir tromper le ciel, c'est folie à la Terre.
    Le dédale des coeurs en ses détours n'enserre
    Rien qui ne soit d'abord éclairé par les dieux:
    Tout ce que l'homme fait, il le fait à leurs yeux,
    Même les actions que dans l'ombre il croit faire.
    Un païen qui sentait quelque peu le fagot,
    Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot,
                Par bénéfice d'inventaire,
                Alla consulter Apollon.
                Dès qu'il fut en son sanctuaire:
    «Ce que je tiens, dit-il, est-il en vie ou non?»
                Il tenait un moineau, dit-on,
                Prêt d'étouffer la pauvre bête,
                Ou de la lâcher aussitôt,
                Pour mettre Apollon en défaut.
    Apollon reconnut ce qu'il avait en tête :
    « Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton moineau
                Et ne me tends plus de panneau ;
    Tu te trouverais mal d'un pareil stratagème.
                Je vois de loin, j'atteins de même »

    Jean de La Fontaine

  • L'Ours et les deux compagnons

    Deux compagnons, pressés d'argent,
            A leur voisin fourreur vendirent
            La peau d'un ours encor vivant,
    Mais qu'ils tueraient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent.
    C'était le roi des ours, au compte de ces gens.
    Le marchand à sa peau devait faire fortune ;
    Elle garantirait des froids les plus cuisants :
    On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une.
    Dindenaut prisait moins ses moutons qu'eux leur ours :
    Leur, à leur compte, et non à celui de la bête.
    S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,
    Ils conviennent de prix, et se mettent en quête,
    Trouvent l'ours qui s'avance et vient vers eux au trot.
    Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre.
    Le marché ne tint pas, il fallut le résoudre:
    D'intérêts contre l'ours on n'en dit pas un mot.
    L'un des deux compagnons grimpe au faîte d'un arbre ;
           L'autre, plus froid que n'est un marbre,
    Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent;
            Ayant quelque part ouï dire
            Que l'ours s'acharne peu souvent
    Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.
    Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau .
    Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie;
            Et, de peur de supercherie,
    Le tourne, le retourne, approche son museau,
            Flaire aux passages de l'haleine.
    «C'est, dit-il, un cadavre; ôtons-nous, car il sent.»
    A ces mots, l'ours s'en va dans la forêt prochaine.
    L'un de nos deux marchands de son arbre descend,
    Court à son compagnon, lui dit que c'est merveille
    Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal.
    «Eh bien ! ajouta-t-il, la peau de l'animal ?
            Mais que t'a-t-il dit à l'oreille ?
            Car il t'approchait de bien près,
            Te retournant avec sa serre.
            - Il m'a dit qu'il ne faut jamais
    Vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre.

    Jean de La Fontaine

  • Citation de Balzac

    Les gens qui veulent fortement une chose sont presque toujours bien servis par le hasard.

    Honoré de Balzac

  • Un poète rare : Paul Nwesla Biyong

    Aujourd'hui je veux vous parler de Paul, mon poète, et de ses mots magnifiques, forts, passionnés, vivants comme la terre et les arbres qui s'en nourrissent,  Paul Nwesla Biyong pour lequel j'ai créé un site dont voici encore le lien (j'écris 'encore' parce que vous trouverez son adresse également dans ma rubrique 'partenaires') :

    Recueils poétiques

    Ne passez pas à côté  de sa poésie, elle n'est pas commune et digne des plus grandes plumes. J'ose dire parce que je le pense, que si Rimbaud s'est réincarné, c'est au Cameroun...

    L'aspect des Recueils poétiques a évolué pour approcher davantage les préférences de Paul, mais l'essentiel du site est dans les vers, et je viens d'insérer de nouveaux poèmes qui montrent encore la puissance des mots et l'art avec lequel ils sont accordés pour nous livrer plus que des rimes.

    Pour commencer la lecture, je vous propose ce poème à énigmes, et comme toujours très riche dans le rythme :

    "Exercices mnémoniques" :
    http://recueils-poetiques.e-monsite.com/rubrique,exercices-mnemoniques,307862.html

    Ensuite laissez-vous emporter par la magie camerounaise, Paul écrit, vit la poésie, alors sachez goûter ses mots précieux comme le soleil, brillants comme l'eau sous les rayons dorés, chauds comme la terre attendant la pluie...

    Voici d'autres textes choisis :

    "Terre des Dieux" :
    http://recueils-poetiques.e-monsite.com/rubrique,terre-des-dieux,225818.html

    "Mes pensées" :
    http://recueils-poetiques.e-monsite.com/rubrique,mes-pensees,225826.html

    "Mon sang et mon âme" :
    http://recueils-poetiques.e-monsite.com/rubrique,mon-sang-et-mon-ame,225858.html



    Bonne lecture.

  • Poème à mon frère blanc

    Cher frère blanc,
    Quand je suis né, j'étais noir,
    Quand j'ai grandi, j'étais noir,
    Quand je suis au soleil, je suis noir,
    Quand je suis malade, je suis noir,
    Quand je mourrai, je serai noir.

    Tandis que toi, homme blanc,
    Quand tu es né, tu étais rose,
    Quand tu as grandi, tu étais blanc,
    Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
    Quand tu as froid, tu es bleu,
    Quand tu as peur, tu es vert,
    Quand tu es malade, tu es jaune,
    Quand tu mourras, tu seras gris.

    Alors, de nous deux,
    Qui est l'homme de couleur ?


    Léopold SEDAR SENGHOR

  • Enivrez-vous

    Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question.
    Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

    Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !

    Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est.
    Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.

    Charles Baudelaire

  • Rien à jeter

    Sans ses cheveux qui volent
    J'aurais, dorénavant,
    Des difficultés folles
    A voir d'où vient le vent.

    Tout est bon chez elle, y a rien jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Je me demande comme
    Subsister sans ses joues
    M'offrant de belles pommes
    Nouvelles chaque jour.

    Tout est bon chez elle, y a rien jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Sans sa gorge, ma tète,
    Dépourvu' de coussin,
    Reposerais par terre
    Et rien n'est plus malsain.

    Tout est bon chez elle, y a rien jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Sans ses hanches solides
    Comment faire, demain,
    Si je perds l'équilibre,
    Pour accrocher mes mains ?

    Tout est bon chez elle, y a rien jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Elle a mile autres choses
    Précieuses encore
    Mais, en spectacle, j'ose
    Pas donner tout son corps.

    Tout est bon chez elle, y a rien jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Des charmes de ma mie
    J'en passe et des meilleurs.
    Vos cours d'anatomie
    Allez les prendre ailleurs.

    Tout est bon chez elle, y a rien jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    D'ailleurs, c'est sa faiblesse,
    Elle tient ses os
    Et jamais ne se laisse-
    rait couper en morceaux.

    Tout est bon chez elle, y a rien à jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Elle est quelque peu fière
    Et chatouilleuse assez,
    Et l'on doit tout entière
    La prendre ou la laisser.

    Tout est bon chez elle, y a rien jeter,
    Sur l'île déserte il faut tout emporter.

    Georges Brassens.

  • Le pouvoir de l’engagement


    Départ, peinture de Marie Hurtrel"Tant que nous ne nous engageons pas, le doute règne, la possibilité de se rétracter demeure et l'inefficacité prévaut toujours.
    En ce qui concerne tous les actes d'initiatives et de créativité, il est une vérité élémentaire dont l'ignorance a des incidences innombrables et fait avorter des projets splendides.

    Dès le moment où l'on s'engage pleinement, la Providence se met également en marche.
    Pour nous aider, se mettent en oeuvre toutes sortes de choses qui sinon n'auraient pas lieu.
    Tout un enchaînement d'événements, de situations et de décisions créent en notre faveur toutes sortes d'incidents imprévus, des rencontres et des aides matérielles que nous n'aurions jamais rêvé de rencontrer sur notre chemin...

    Tout ce que tu peux faire ou rêver de faire, tu peux l'entreprendre.
    L'audace renferme en soi génie, pouvoir et magie."

    Goethe

  • Les oiseaux de passage - Brassens



    Ô vie heureuse des bourgeois
    Qu'avril bourgeonne
    Ou que decembre gèle,
    Ils sont fiers et contents

    Ce pigeon est aimé,
    Trois jours par sa pigeonne
    Ça lui suffit il sait
    Que l'amour n'a qu'un temps

    Ce dindon a toujours
    Béni sa destinée
    Et quand vient le moment
    De mourir il faut voir

    Cette jeune oie en pleurs
    C'est la que je suis née
    Je meurs près de ma mère
    Et je fais mon devoir

    Elle a fait son devoir
    C'est a dire que Onques
    Elle n'eut de souhait
    Impossible elle n'eut

    Aucun rêve de lune
    Aucun désir de jonque
    L'emportant sans rameurs
    Sur un fleuve inconnu

    Et tous sont ainsi faits
    Vivre la même vie
    Toujours pour ces gens là
    Cela n'est point hideux

    Ce canard n'a qu'un bec
    Et n'eut jamais envie
    Ou de n'en plus avoir
    Ou bien d'en avoir deux

    Ils n'ont aucun besoin
    De baiser sur les lèvres
    Et loin des songes vains
    Loin des soucis cuisants

    Possèdent pour tout cœur
    Un vicère sans fièvre
    Un coucou régulier
    Et garanti dix ans

    Ô les gens bien heureux
    Tout à coup dans l'espace
    Si haut qu'ils semblent aller
    Lentement en grand vol

    En forme de triangle
    Arrivent planent, et passent
    Où vont ils? ... qui sont-ils ?
    Comme ils sont loins du sol

    Regardez les passer, eux
    Ce sont les sauvages
    Ils vont où leur desir
    Le veut par dessus monts

    Et bois, et mers, et vents
    Et loin des esclavages
    L'air qu'ils boivent
    Ferait éclater vos poumons

    Regardez les avant
    D'atteindre sa chimère
    Plus d'un l'aile rompue
    Et du sang plein les yeux

    Mourra. Ces pauvres gens
    Ont aussi femme et mère
    Et savent les aimer
    Aussi bien que vous, mieux

    Pour choyer cette femme
    Et nourrir cette mère
    Ils pouvaient devenir
    Volailles comme vous

    Mais ils sont avant tout
    Des fils de la chimère
    Des assoiffés d'azur
    Des poètes des fous

    Regardez les vieux coqs
    Jeune Oie édifiante
    Rien de vous ne pourra
    monter aussi haut qu'eux
    (2 fois)

    Et le peu qui viendra
    d'eux à vous
    C'est leur fiante
    Les bourgeois sont troublés
    De voir passer les gueux

  • Taine - Espèce supérieure

    "on peut considérer l'homme comme un animal d'espèce supérieure qui produit des philosophes et des poèmes à peu près comme les vers à soie font leurs cocons et comme les abeilles font leurs ruches. "

    Hippolyte Adolphe Taine (1828-1893)

  • La Fontaine - Le Loup et le Chien

    Un Loup n'avait que les os et la peau ;
    Tant les chiens faisaient bonne garde.

    Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
    Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.

    L'attaquer, le mettre en quartiers,
    Sire Loup l'eût fait volontiers.

    Mais il fallait livrer bataille ;
    Et le Mâtin était de taille
    À se défendre hardiment.

    Le Loup donc l'aborde humblement,
    Entre en propos, et lui fait compliment
    Sur son embonpoint qu'il admire.

    "Il ne tiendra qu'à vous beau Sire,
    D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
    Quittez les bois, vous ferez bien :
    Vos pareils y sont misérables,
    Cancres, haires, et pauvres diables,
    Dont la condition est de mourir de faim.
    Car quoi ? Rien d'assuré ; point de franche lippée ;
    Tout à la pointe de l'épée.
    Suivez-moi ; vous aurez un bien meilleur destin."

    Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
    — Presque rien, dit le Chien ; donner la chasse aux gens
    Portants bâtons, et mendiants ;
    Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
    Moyennant quoi votre salaire
    Sera force reliefs de toutes les façons ;
    Os de poulets, os de pigeons ;
    Sans parler de mainte caresse."

    Le Loup déjà se forge une félicité
    Qui le fait pleurer de tendresse.

    Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé :
    "Qu'est-ce là ? lui dit-il. — Rien. — Quoi ? rien ? — Peu de chose.
    — Mais encor ? — Le collier dont je suis attaché
    De ce que vous voyez est peut-être la cause.
    — Attaché ? dit le Loup ; vous ne courez donc pas
    Où vous voulez ? — Pas toujours, mais qu'importe ?
    — Il importe si bien, que de tous vos repas
    Je ne veux en aucune sorte,
    Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor."

    Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

    Jean de la Fontaine

  • Aragon - Aimer à perdre la raison

    Aragon par Jean Ferrat

    Envoyé par Monoikos6

  • Aragon - Du discours à la première personne

    .../... Ô pierre tendre, tôt usée,

    Et vos apparences brisées,

    Vous regarder m'arrache l'âme .../...

    Aragon

  • Aragon - Songes

    .../... La souffrance enfante les songes, comme une ruche, ses abeilles.

    L'homme crie où son fer le ronge,

    Et sa plaie engendre un soleil, plus beau que les anciens mensonges .../...

    Aragon

  • Aragon - Poète

    .../... Dieu, le fracas que fait un poète qu'on tue ! .../...

    Aragon